Nous pouvons tous nous remémorer une scène de film se déroulant dans un aéroport,même ceux d’entre nous qui n’ont jamais mis les pieds dans un terminal. Votre scène vientpeut-être de Quand Harry rencontre Sally, Le Terminal, ou Arrête-moi si tu peux. Elleprovient peut-être d’une vidéo des Backstreet Boys, des Foo Fighters ou de Wyclef Jean. Oupeut-être provient-elle du vidéoclip de la chanson Beautiful Day de U2, qui a été filmé àl’aéroport de Paris-Charles de Gaulle.
En tant qu’aéroport le plus fréquenté du Canada, Toronto Pearson a eu son lot detournages. Celui-ci a occupé une place importante dans le film Past Lives – Nos viesd’avant, l’un des finalistes pour l’Oscar du meilleur film de l’an dernier et favori du public,dans lequel le personnage principal immigre au Canada. Mais ce n’est pas la première foisque l’on voit l’aéroport à l’écran : son aérogare d’entrepiste sert régulièrement de plateaude tournage; de l’Incroyable Hulk de Marvel à la minisérie postapocalyptiqueStation Eleven de HBO Max. Il a également été représenté dans au moins deux vidéoclipsdignes de mention : The Good in Everyone du groupe Sloan et l’emblématique YYZ,chanson qui a été nommée d’après le code de Toronto Pearson, du groupe Rush. Onpourrait même avoir l’audace d’affirmer que l’aéroport est la référence canadienne la pluscélèbre du cinéma hollywoodien. Juste après Ryan Reynolds, bien sûr, qui l’a lui-mêmeaffirmé dans les superproductions Deadpool et Wolverine de cette année.
Des réalisateurs, des acteurs et des médias de près de 100 pays convergeront bientôt àToronto pour le Festival international du film de Toronto. À l’approche du festival, il estimportant de se rappeler que la véritable valeur artistique d’un aéroport n’est pas la façondont il est utilisé comme toile de fond, mais celle dont il relie et stimule l’économieartistique d’une ville, d’une région ou même de tout un pays. Artistes, mécènes, directeurs,dirigeants politiques – nous devons tous comprendre à quel point le transport aériensoutient la chaîne de valeur artistique et la manière d’en tirer le meilleur parti.
Il y a quelques générations à peine, les avions et les aéroports n’avaient guère d’importance dans l’univers artistique. Les artistes ne les auraient pas considérés commedes tremplins pour leur carrière parce que leurs voyages étaient limités aux options detransport de l’époque. Paul Gaugin s’est rendu à Tahiti par navire à vapeur. Ansel Adams aexploré la majeure partie du Parc national de Yosemite avec un sac à dos. Les célèbrespeintres impressionnistes du Canada utilisaient surtout le train pour accéder aux paysagesemblématiques de leur pays, et l’un d’eux, Tom Thomson, est mort en canot.
Aujourd’hui, les villes du monde sont désormais reliées par voie aérienne, et les artistes utilisent les aéroports pour progresser dans leur carrière et dans leur vie. Simo Liu,Domee Shi et Drake font partie des nombreuses personnes qui ont utilisé la région deToronto comme tremplin pour une carrière internationale. Elton John, Mark Wahlberg et Prince ont considérés qu’il était pratique pour leur carrière de s’établir ici.Steven Spielberg, Jim Carrey et Kate Hudson ont pris l’avion durant des années pour venirpasser des vacances dans un chalet, à quelques minutes de route de l’endroit où Thomsona perdu la vie.
Bien entendu, Toronto n’est pas la seule ville accueillante pour le cinéma qui utilise sonaéroport comme tremplin pour la créativité. L’aéroport international de Dubaï a collaboréavec l’artiste Refik Anadol pour créer une installation numérique soulignant la fragilité de lanature avant la COP28. À Miami, l’installation publique à grande échelle « A Walk on theBeach » de l’artiste Michele Oka Doner évoque l’environnement côtier de la ville. Dans lesdeux cas, l’art et la créativité n’avaient pas seulement une dimension locale, maisracontaient également un récit attrayant à l’échelle mondiale mettant en évidence desenjeux graves comme le climat et la durabilité, tout en utilisant les aéroports comme toile de fond.
Ces destinations ne sont pas seulement des lieux de vacances pour ces créateurs; ellessont de précieuses sources d’inspiration qui font évoluer les artistes et leur art. Cesartistes ne sont pas présents ici à temps plein, bien sûr. Ils ont de la recherche à faire, desfilms à tourner, des événements auxquels assister et de l’art à créer. Leurs horaires chargésnécessitent des transports modernes et bien connectés. Drake ne reste pas sur la tour duCN – sa récente tournée comprenait 72 spectacles dans 40 villes. Lorsque les artistes sonten ville, ils ont tendance à créer. Il n’est pas rare que la région génère des profits d’unmilliard de dollars grâce aux œuvres cinématographiques de grands studios attirés par lecosmopolitisme et les faibles coûts de production de Toronto. Pensez à Mariage à lagrecque, Shazam!, Bienvenue à Schitt’s Creek et The Handmaid’s Tale : La Servanteécarlate, entre autres.
Il ne faut pas se leurrer : aucun artiste, acteur, chasseur de talents, producteur, réalisateur,investisseur, membre d’équipes de production, créateur de musique, ni amateur deconcerts n’utilise le train ou le navire à vapeur pour se rendre de Londres à Los Angeles oude Tokyo à Toronto. Un aéroport qui offre des vols directs vers plus de 150 villes estnécessaire pour permettre la création de centaines de milliers d’emplois dans le domainedes arts ainsi qu’une industrie culturelle provinciale d’une valeur de 25 milliards de dollars.On pourrait dire que les arts sont, à l’instar d’un aéroport, fondés sur des liens. Des liensavec le public, avec un auditoire, avec une idée ou avec un lieu. En effet, quiconque gagnesa vie dans une industrie culturelle vous dira que sa carrière repose sur sa capacité à saisirces liens et ces possibilités. Pour citer la célèbre phrase de Rick Blaine, prononcée àl’aéroport de Casablanca : « Si cet avion quitte le sol et que vous n’êtes pas à bord, vous le regretterez. »
Cet article a d’abord été publié sur Observer.